---En tout cas il faut se rendre à l’évidence, les archéologues, les préhistoriens, et même les ethnologues ne pensaient nullement, même s’ils supposaient qu’il y avait peut-être un lien avec la saisonnalité, à intégrer dans leurs données les mesures solsticiales et équinoxiales du soleil.
Ici, dans ce cours, je vous invite à vous poser d’autres questions après celles des saisons :
---Comment savoir si le soleil ou la lune ou une constellation se trouvait dans telle ou telle direction de l’objet étudié sur ce site.
---Comment déterminer lorsqu’on relève un symbole connu, par exemple celui du Scorpion, si on ne sait pas à quel moment de l’année il était visible sur le site étudié ?
---Comment dater une stèle bien fixe sur la terre, reproduisant une partie du ciel si on ne connaît pas la position des corps célestes à l’époque où elle a été réalisée ?
Inversement, comment lorsqu’on relève un symbole inconnu, comprendre s’il a une signification en relation avec la cosmographie, ou du moins commencer à faire une hypothèse si on sait pas comment étaient orientés les corps célestes ? Non seulement les constellations tournent en un jour, mais aussi en un an, et aussi en une grande année !
---Comment savoir quelle constellation abritait le Soleil à un moment donné de l’année, l’été par exemple au début du Magdalénien ?
 
L’ETHNOASTRONOME AMATEUR ET LA PRÉCESSION DES ÉQUINOXES.
 
---Étant donné le mouvement précessionnel vu dans le cours précédent, le préhistorien, l’archéologue, ou l’ethnologue qui se trouvent sur un site, s’ils n’ont pas la moindre formation en ethnoastronomie, sont bien embarrassés pour déterminer le moment d’un rite s’ils se trouvent au cœur d’un sanctuaire ou devant une œuvre pariétale ou rupestre. Il ne leur vient même pas à l’idée de mesurer l’orientation de l’entrée de la lumière dans une grotte ou  l’orientation de l’œuvre préhistorique pour voir s’il existe un lien saisonnier. En voici la preuve avec la question que se posaient en 1962 Alexander Marshack et André Leroi-Gourhan :
 
---Le 13 juin 1962, Alexander Marshack écrivait à André Leroi-Gourhan :
« Je vous écris sur le conseil du Docteur Solecki…Existe-t-il des indications ou des preuves tendant à établir que les peintures et les dessins (dans l’art rupestre) obéissaient à un rythme saisonnier ou périodique .. ? La plus grande partie de l’art rupestre est..rituelle. La plupart des rituels primitifs sont, d’une façon ou d’une autre « chrono-factorisés. » Il est difficile d‘admettre que les longs voyages vers l’intérieur des grandes cavernes aient eu lieu fortuitement dans le temps. Ils devaient se produire lors d’un changement de saison ou à l’occasion d’un phénomène tel que la période du rut ou des amours dans les grands troupeaux, l’époque des migrations, le commencement des pluies, la fin de l’hibernation des ours, la première chasse de printemps ou d’automne, le moment où le chasseur abandonnait l’abri pour les camps d’été ou encore l’époque des cérémonies d’initiation. La littérature spécialisée fait état du rôle joué par les dessins et les peintures dans la magie de chasse et peut-être dans les rites de fertilité et d’initiation. Ces rites devaient être saisonniers. Existe-t-il des indications d’une racine ‘’chrono-factorisée » dans l’art de l’époque glaciaire ?»
---Une semaine plus tard, Leroi-Gourhan répondait :
« Votre lettre….Je pense en effet que la fréquentation des sanctuaires souterrains du Paléolithique supérieur a très bien pu avoir un caractère saisonnier, mais je ne vois pas pour le moment par quelle voie on pourrait en apporter la démonstration. En effet, il apparaît maintenant que les œuvres peintes ou gravées ont été exécutées par larges ensembles, plus exactement que les grottes ont été décorées à l’aide de compositions plus ou moins monumentales, exactement comme n’importe quel sanctuaire des temps classiques…Certains de ces sanctuaires n’ont apparemment été fréquentés qu’une fois…. D’autres au contraire, comme Lascaux ou les Combarelles, d’accès facile ou assez facile, ont été fréquentés à de nombreuses reprises, et les traces des visiteurs sont restées sous forme d’innombrables griffonnages exécutés au voisinage des œuvres principales. Il est raisonnable de penser que ces visites se faisaient à des saisons déterminées, mais à quelles saisons, je ne saurais vous le dire…
De sorte que si je suis convaincu comme vous que l’homme préhistorique ne faisait pas n’importe quoi n’importe quand, je ne saurais pas vous dire quand il le faisait…..Il est si courant que la célébration d’un mythe soit saisonnière que je crois qu’on pourrait y voir une preuve en faveur de votre hypothèse. »
---Avec délectation, je me rendais compte que les résultats de ma recherche sur l’orientation des abris et des grottes ornés et de leur éclairement au cours des levers et couchers solsticiaux répondaient parfaitement à la question que se posait André Leroi-Gourhan.
Je l’avais rencontré plusieurs fois lorsque j’étais adolescente. Je passais mes vacances à côté d’Arcy, à Vermenton, à 100 mètres de chez lui. Il venait régulièrement chez mon père qui était quincailler pour acheter du matériel. Il bavardait de tout et de rien avec nous, du temps, de sa voiture, et me disait que j’avais de la chance d’habiter Nice. Il avait convaincu mon père de m’emmener visiter Arcy ! Ce n’est que bien plus tard, que je sus qui il était ! Tant de fois depuis, j’en ai voulu aux facéties du destin qui m’avait permis de l’approcher sans aborder ce sujet. Mais en fait, c’est moi qui n’étais pas prête.
COURS n°3 page1
3e cours d’ethnoastronomie : mars 2013.
(les cours précédents ont été effacés pour laisser la place au suivant.)
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REALSATION JACQUES & CHANTAL WOLKIEWIEZ